Brèves de la catégorie : Marchés publics de travaux

Nouvelle limite à la théorie des travaux supplémentaires ?

Dans un jugement du 23 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris propose, dans un considérant de principe, une combinaison intéressante de plusieurs jurisprudences :

  • Celles relative aux difficultés rencontrées en cours de chantier, qui ouvrent droit à indemnisation à condition qu’elles constituent des sujétions imprévues, ayant, de surcroît, bouleversé l’économie du contrat dans le cadre d’un marché à forfait, ou qu’elles soient imputables à une faute de la personne publique.
  • Celles relatives aux travaux supplémentaires, qui sont indemnisables s’ils ont été demandés par un ordre de service régulier ou s’ils étaient indispensables à la bonne réalisation de l’ouvrage, ou encore, à hauteur des dépenses utiles, si, sans être indispensables, ils ont fait l’objet d’une demande autre que par ordre de service régulier, le Tribunal employant, à cet égard, les termes de « directive sans équivoque ».

Cette combinaison consiste à n’appliquer la théorie des travaux supplémentaires que dans les cas où les difficultés « ne trouvent pas leur origine dans une faute d’un autre participant ». Or, l’application de cette théorie, fondement-refuge tentant, après le durcissement occasionné par la jurisprudence Région Haute Normandie, est souvent demandée dans le cas d’erreurs de conception commises par le maître d’œuvre, qui est, a priori, l’un des autres participants.

Prime d’un concours de maîtrise d’œuvre : le mandataire solidaire d’un groupement conjoint n’est pas habilité à saisir le juge pour contester sa minoration

La SELARL Architectes Associés n’est pas habilité à saisir le juge pour contester sa minoration, dans le cas d’un concours de maîtrise d’oeuvre.

La Cour administrative d’appel de Nantes considère que cette qualité de mandataire solidaire ne créé qu’une solidarité entre ce mandataire et les membres du groupement au profit du maître de l’ouvrage pour l’exécution des obligations résultant du contrat et non une habilitation à agir en justice, notamment devant le juge du contrat, au nom des autres membres du groupement.

CAA Nantes, 14 juin 2016, Selarl CRR Architectes Associes, Req. n° 14NT02784

Droit moral de l’architecte d’un ouvrage public : la compétence du juge varie suivant la nature des demandes

Dans le cas de droit moral pour un ouvrage public, les compétences d’un juge judiciaire et d’un juge administratif sont nécessaires pour déterminer la décision finale.

L’architecte de l’immeuble de la Philharmonie de Paris, estimant que son œuvre avait été dénaturée par le maître d’ouvrage, avait demandé au juge judiciaire que celui-ci soit condamné sous astreinte à exécuter tous les travaux nécessaires à la remise en état de son œuvre.

Le Préfet ayant pris un arrêté de conflit cantonné à ces conclusions, le Tribunal des Conflits confirme que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur l’existence de l’atteinte et du préjudice allégués. En revanche, le juge administratif l’est pour ordonner la réalisation de travaux sur l’ouvrage, après avoir, le cas échéant, sursis à statuer dans l’attente de la décision du juge judiciaire sur l’existence de l’atteinte et du préjudice allégués.

TC, 5 septembre 2016, Jean Nouvel, Req. n° 4069, T.Rec

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Entre une mainlevée partielle et l’absence d’acceptation d’un sous-traitant, la seconde l’emporte

La demande d’un sous-traitant tendant à la condamnation du maître d’ouvrage sur le fondement du paiement direct sera rejetée.

En effet, face à une mainlevée partielle de créance, émanant de la banque, pour tenir compte d’une sous-traitance tout aussi partielle du marché, le comptable a choisi à bon droit de continuer de payer la banque, compte tenu de l’absence d’acceptation de ce sous-traitant, par le maître d’ouvrage.

CAA Bordeaux, 9 juin 2016, centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne, Req. n° 15BX01011

 

 

Favoritisme d’un candidat : une collectivité n’échappe pas à sa responsabilité administrative en ne signant pas le marché

La commune d’Artignosc-sur-Verdon n’échappe pas à sa responsabilité administrative en ne signant pas le marché et doit verser des dommages et intérêts à la société de travaux publics CMTP.

Dans cette affaire, la Commune avait, dans le cadre d’un appel d’offres, sous couvert d’une demande d’informations, négocié avec un candidat pour qu’il améliore son offre après que la CAO ait classé en première position la requérante, irrégulièrement évincée par l’effet de ce procédé. Dès lors qu’aucun motif d’intérêt général autre que cette irrégularité ne justifie l’abandon de la procédure, la société requérante est en droit d’être indemnisée de son manque à gagner.

CAA Marseille, 9 juin 2016, commune d’Artignosc-sur-Verdon, Req. n° 15MA00338