Les brèves à la une

Eléments d’appréciation et méthode de notation

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle que des éléments d’appréciation ayant servi à la notation d’un sous-critère et qui ont été affecté d’une même pondération n’ont pas à être portés à la connaissance des candidats.

Le candidat évincé qui avait saisi le juge des référés précontractuels avait également contesté la méthode de notation employée pour apprécier le critère financier, basée sur quatre scénarii. Le requérant soutenait que le pouvoir adjudicateur avait attribué aux différents scénarii des valeurs de pondération déconnectées de leur importance économique, en dévalorisant substantiellement le scénario A « alors qu’il constitue le cœur même du contrat, et qu’à l’intérieur de chacun des scénarii l’évaluation financière est faussée ».

Le Conseil d’Etat ne retient pas davantage ce moyen, estimant que ces coefficients « traduisent la volonté du pouvoir adjudicateur de valoriser particulièrement les efforts réalisés par les candidats quant aux prestations fournies en sus des prestations minimales exigées par le marché ainsi que l’appréciation portée par l’administration sur l’importance respective des différents postes de dépenses ».

CE, 4 avril 2018, Ministre des armées, Req. n°416577

L’acheteur n’est pas obligé d’inviter un soumissionnaire à régulariser son offre

Dans cette affaire, un candidat évincé se plaignait de ce que le pouvoir adjudicateur ne l’avait pas invité à régulariser son offre comme l’y autorise l’article 59 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016.

C’est l’occasion, pour le Conseil d’Etat, de mentionner qu’il s’agit là d’une simple faculté, même si, lorsqu’elle est exercée, elle doit l’être à l’égard de tous les soumissionnaires concernés.

CE, 21 mars 2018, département des Bouches-du-Rhône, Req. n°415929

Le maître d’ouvrage n’a pas à rediriger un bordereau Dailly vers le comptable

Une banque avait notifié la cession d’une créance (bordereau Dailly) au titre d’un marché public, non pas au comptable public mais au maître d’ouvrage, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 313-17 du code monétaire et financier et de l’article 108 du code des marchés publics.

Des sommes ayant été réglées par le comptable au cédant, la banque (cessionnaire) tentait de rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage (cédé) pour ne pas avoir, en méconnaissance de l’article L. 114-2 du code des relations entre le public et l’administration (en vertu duquel l’autorité incompétemment saisie d’une demande la transmet à l’autorité compétente), transmis cette notification au comptable.

Le Conseil d’Etat, à l’instar de la cour administrative d’appel précédemment saisie, rejette la demande au motif que le code monétaire et financier institue un régime particulier de notification, et que cette notification ne tend pas à la prise d’une décision, mais constitue une information destinée à faire obstacle au règlement de la créance entre les mains du cédant. En conséquence, elle n’entre pas dans le champ d’application de la disposition susmentionnée du code des relations entre le public et l’administration.

CE, 9 mars 2018, CROUS de Nice-Toulon, Req. n°407842, T.Rec.

L’ouvrage sportif non couvert soumis à l’obligation d’assurance décennale en tant qu’accessoire

L’ouvrage, dont la fixation à un bâtiment est susceptible de porter atteinte à la solidité de ce dernier, en est l’accessoire et est soumis à ce titre à une obligation d’assurance décennale.

Dans cette décision, fichée en C, le Conseil d’Etat confirme l’ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Rouen, qui avait annulé une procédure pour défaut de production par l’attributaire pressenti, en méconnaissance des exigences du règlement de la consultation, de son attestation d’assurance décennale.

Pour se prononcer sur ce manquement, la haute juridiction devait préalablement apprécier le caractère obligatoire d’une telle assurance, étant précisé que le lot litigieux portait sur la couverture thermique d’un bassin nordique, et que les ouvrages sportifs non couverts sont, aux termes du code des assurances, exemptés de l’obligation d’assurance décennale, à moins qu’ils ne constituent l’accessoire d’un ouvrage soumis à une telle obligation.

En l’espèce, le bassin nordique étant situé dans une cour entourée de bâtiments abritant des piscines couvertes, et la couverture thermique de ce bassin étant fixée au gros-œuvre desdits bâtiments (de sorte qu’elle pourrait porter atteinte à leur solidité), elle était bien l’accessoire d’un ouvrage soumis à une obligation d’assurance au titre de la responsabilité décennale.

CE, 26 janvier 2018, communauté de communes Caux Estuaire et A., Req. n°414337

L’urgence en matière de reprise des relations contractuelles

A la suite d’une mesure de résiliation unilatérale, les titulaires du marché public résilié ont exercé un référé suspension (article L.521-2 du code de justice administrative) en vue que soient ordonnées la suspension de l’exécution de cette décision ainsi que la reprise des relations contractuelles (voir Conseil d’État, Sect., 21 mars 2011, n°304806).

Après avoir relevé que c’est à tort que le juge des référés avait considéré que la condition d’urgence était, « par principe », remplie du seul fait que la mesure de résiliation du marché ne reposait pas sur des manquements à leurs obligations contractuelles de la part des titulaires du marché, la Haute assemblée a décidé de régler l’affaire au fond (en application des dispositions l’article L.821-2 du code de justice administrative).

Le Conseil d’Etat a, ainsi, considéré que la circonstance que les titulaires du marché résilié aient invoqué, pour justifier l’urgence, une « perte de chiffre d’affaires égale à 25% » ainsi qu’une « atteinte à leur réputation », ne permet pas, en tant que tel, d’établir que la mesure de résiliation porterait une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts dès lors que les requérants n’ont produit aucune pièce justificative en ce sens au soutien de leurs prétentions.

Par conséquent, la demande des requérants est rejetée.

Cette décision du Conseil d’Etat confirme une jurisprudence établie en la matière selon laquelle l’urgence ne se présume pas en principe et doit impérativement être démontrée par le requérant.

Conseil d’Etat, 7e ch., 18 décembre 2017, n°412066