Les brèves à la une

Recours prématuré d’un maître d’œuvre faute de projet de décompte final

Par un jugement du 22 décembre 2016, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevable, car prématurée, la requête indemnitaire introduite par les membres d’un groupement de maître d’œuvre contre un centre hospitalier, maître de l’ouvrage.

Le motif de ce rejet tient au non-respect de la formalité procédurale tenant à la présentation d’un décompte final au maître d’ouvrage en application des dispositions combinées des articles 12.31 et 40.1 du CCAG-PI de 1978, d’une part et de l’article 6-3 du CCAP (aux termes duquel il incombait au maître d’œuvre de notifier un projet de décompte après achèvement de sa mission), d’autre part.

L’achèvement de la mission de maîtrise d’œuvre, se déduisait, au cas d’espèce, de l’interruption de la phase 2 de l’opération de construction par le centre hospitalier, de la demande indemnitaire du groupement de maîtrise d’œuvre tendant à obtenir une indemnité de résiliation, et de la procédure de désignation d’un programmiste lancée par le maître de l’ouvrage concernant les phases 2 et 3 de l’opération.

Les requérantes avaient bien tenté de se prévaloir d’une demande indemnitaire présentée avant la saisine du juge, mais sans succès, le Tribunal ayant considéré que cette demande avait été adressée avant la naissance du différend, de sorte qu’elle ne pouvait constituer un mémoire en réclamation, préalable obligatoire avant la saisine du juge.

Un vice sans lien avec l’éviction du requérant ne lui cause pas de préjudice

Il faut qu’il existe un lien de causalité entre le vice affectant le contrat attaqué et le préjudice dont se prévaut le requérant, candidat évincé. Le Conseil d’Etat l’avait déjà dit en 2013 :

« 1. Considérant que lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu’elle est la cause directe de l’éviction du candidat et, par suite, qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation » (CE, 10 juillet 2013, Cie Martiniquaise de Transports, n° 362777, T.Rec)

Il ajoute, dans sa décision du 10 février 2017, qu’il « s’en suit que lorsque l’irrégularité ayant affectée la procédure de passation n’a pas été la cause directe de l’éviction du candidat, il n’y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction ; que sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu’être rejetée ».

Faisant application de ces règles, la Haute juridiction considère que la cour administrative d’appel de Nancy a, à juste titre, considéré qu’il n’existait pas de lien de causalité entre le vice affectant le contrat, tenant en l’absence d’encadrement des variantes, et le préjudice invoqué par la requérante, relatif aux frais qu’elle a exposés pour remettre son offre, puisque les candidats n’avaient pas présenté de variantes, de sorte que ce vice n’a eu aucune incidence sur la sélection des candidatures et sur le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse.

CE, 10 février 2017, société Bancel, n°393720, T.Rec

Le délai de prescription d’un appel en garantie n’est pas déclenché par un référé expertise

La question de droit posée à la Haute juridiction dans cette affaire était de savoir quel est le point de départ du délai de prescription de dix ans prévu à l’article 2270-1 du code civil (applicable aux actions en responsabilité extracontractuelle), dans le cas d’un appel en garantie formé par un intervenant sur un chantier, mis en cause par le maître de l’ouvrage, contre un autre intervenant.

Il est acquis que ce point de départ correspond à la date à laquelle l’intéressé a reçu la demande dont le maître de l’ouvrage a saisi le tribunal afin de rechercher sa responsabilité (CE, 11 juillet 2008, n°285168, T.Rec). Cependant, cette recherche de responsabilité peut-elle découler d’une mise en cause dans le cadre d’un référé expertise ?

La réponse donnée par le Conseil d’Etat est négative, à défaut de caractère indemnitaire d’une telle demande.

CE, 10 février 2017, Campenon Bernard Côte d’Azur, n° 391722, T.Rec.

Pas d’irrecevabilité en cas d’introduction d’un référé provision dans le délai de 6 mois du CCAG-Travaux

Dans cette affaire, l’entreprise titulaire d’un marché de travaux avait adressé un mémoire en réclamation à la suite de la notification du décompte général de son marché. Ce mémoire avait été rejeté par décision expresse du 29 avril 2011. Dans le délai de 6 mois prévu à peine d’irrecevabilité à l’article 7.2.3 du CCAG applicable au marché, l’entreprise avait saisi le juge d’un référé provision. Plus de deux années après cette date (soit le 16 octobre 2013), elle avait également saisi le juge du fond d’une demande de condamnation au paiement du solde de son marché.

Le tribunal administratif de la Polynésie française, saisi de ces deux recours, avait fixé par jugement le solde du marché à 16 072 263 F CFP (135 061 €) et rejeté le surplus des conclusions de la société. A son tour, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé contre le jugement, au motif que la contestation du décompte général était irrecevable, le juge des référés ne pouvant être regardé comme le juge compétent au sens des stipulations de l’article 7.2.3. du CCAG susmentionné.

Le Conseil d’Etat ne suit pas son analyse, qu’il considère être entachée d’une erreur de droit : puisque l’article R. 541-1 du code de justice administrative admet que le juge des référés puisse être saisi d’une demande de provision « même en l’absence d’une demande au fond », alors sa saisine doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l’article 7.2.3. du CCAG.

CE, 27 janvier 2017, STAC, req. n° 396404, T.Rec

Méconnaissance de l’obligation d’allotissement le précedent marché ayant été alloti géographiquement

Dans une décision du mois d’octobre, la Cour administrative de Douai en est venue à confirmer l’annulation d’un marché, ce qui constitue la sanction la plus grave qui puisse atteindre un tel contrat, en raison d’un vice d’une particulière gravité portant sur son objet.

Ce vice tient au recours à un marché global plutôt qu’à un marché alloti, alors qu’un précédent marché, qui avait le même objet, avait été alloti géographiquement. Le pouvoir adjudicateur avait bien tenté de faire valoir que le caractère global du marché lui avait permis de faire des économies d’échelle, mais la Cour a écarté cet argument, en se fondant notamment sur le fait que cette circonstance, résultant de la comparaison des prix des marchés antérieurement conclus et des nouveaux marchés, n’avait pu être prise en compte au moment où l’acheteur avait choisi de recourir à un marché global.

A noter : le décret n°2016-360 du 25 mars 2016 exige désormais que le recours à un marché global soit justifié par le pouvoir adjudicateur dans les documents de la consultation ou le rapport de présentation, dans le cadre d’une procédure formalisée, ou dans les documents relatifs à la procédure, qui doivent être conservés, dans le cadre d’un Marché à procédure adaptée (MAPA).

CAA Douai, 6 octobre 2016, Région Nord-Pas-de-Calais, Req. n° 14DA00714