Les brèves à la une

Obligation de vigilance du maître d’ouvrage au moment de la réception

Dans cette affaire, malgré une expertise en cours concernant la présence de fissures dans les voiles en béton de l’ouvrage, le maître d’œuvre a proposé de réceptionner l’ouvrage sans réserve, et le maître d’ouvrage n’a pas dit autre chose dans sa décision de réception.

La responsabilité de l’entrepreneur ne pouvant plus être recherchée, le maître de l’ouvrage (MOA) a tenté d’engager celle du maître d’œuvre, au titre de son devoir de conseil, celui-ci n’ayant pas attiré son attention sur les précautions à prendre, compte tenu de cette expertise, au moment de la réception.

La Cour administrative d’appel admet que le maître d’œuvre a commis une faute, mais elle considère également que celles commises par le maître de l’ouvrage exonèrent le maître d’œuvre de toute responsabilité. Pour prendre cette décision, la Cour se fonde sur plusieurs circonstances : d’une part, le maître d’ouvrage était assisté d’un maître d’ouvrage délégué spécialisé dans le domaine de la construction, d’autre part, il a déclaré un sinistre portant sur ces désordres à son assureur et, enfin, il est à l’origine de la mesure d’expertise judiciaire. Il connaissait donc parfaitement l’existence des désordres litigieux lorsqu’il a décidé de réceptionner l’ouvrage sans réserve.

CAA Marseille, 3 octobre 2016 SMABTP, Req. n° 14MA05228

Le pouvoir adjudicateur peut imposer que le mandataire d’un groupement de maîtrise d’œuvre soit un BET

Les candidats à un marché public sont libres d’y répondre individuellement ou en groupement. Leurs capacités s’apprécient, aux termes de l’ancien article 51 du code des marchés publics, repris à l’article 45 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016, au niveau de « l’ensemble des membres du groupement ».

Dans cette affaire, la Cour administrative de Douai considère néanmoins que cette liberté peut être légitimement encadrée par le pouvoir adjudicateur, et qu’il peut notamment exiger que le mandataire soit un Bureau d’Etudes Techniques (BET), si cette exigence n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objet des prestations confiées dans le cadre du marché.

Au cas d’espèce, aucune disproportion n’est relevée au regard de cet objet, qui portait sur « la conception des travaux de plantation et de pérennisation du patrimoine végétal du parc, (…) la mise en œuvre d’une réflexion sur le fonctionnement hydraulique des bassins dans une optique de gestion et de réduction de la consommation en eau, la recherche de perspectives de refonte de l’ensemble des circulations et réseaux, de même que l’étude de la rénovation de l’ensemble des mobiliers et de l’éclairage public », toutes prestations impliquant, compte tenu des domaines concernés, une approche globale.

CAA Douai, 6 octobre 2016, Req. n° 14DA02026

Prescription quadriennale et nullité d’une concession

Dans une affaire de concession vieille de plus de 20 ans, la Cour administrative d’appel de Marseille avait considéré, en 2003, à l’occasion d’un litige relatif à son exécution, que le contrat était nul, sans être parfaitement explicite quant à l’étendue (totale ou partielle) de cette nullité. Le Conseil d’Etat avait franchement pris position dans le sens d’une nullité totale en 2007. Le concessionnaire avait donc saisi en 2009 le Tribunal administratif de Toulon de demandes fondées sur la responsabilité quasi-contractuelle de la Commune. Toutefois, le Tribunal a rejeté ces demandes en 2012 en considérant qu’elles étaient atteintes par la prescription quadriennale.

En appel, la Cour de Marseille a eu une analyse autre : le point de départ de la prescription a été la date à laquelle elle a adressé aux parties le moyen, soulevé d’office, tiré de la nullité du contrat, l’entreprise ignorant légitimement l’existence de sa créance – quasi contractuelle – avant cette date, compte tenu de la nature de l’illégalité à l’origine de cette nullité et du comportement de la commune, qui a exécuté le contrat pendant près de quinze ans. Toutefois, le délai a été interrompu par le recours en cassation introduit devant le Conseil d’Etat, dans le cadre duquel le caractère nul du contrat était contesté. Le délai n’avait recommencé à courir qu’à compter de la décision rendue par la Haute juridiction, de sorte qu’au moment de la saisine du Tribunal, la créance n’était pas prescrite.

Le Conseil d’Etat a confirmé cette analyse dans un arrêt du 9 décembre 2016.

CE, 9 décembre 2016, commune de Toulon, Req. n° 389910

Sous-traitants, attention au décompte général de l’entrepreneur principal !

Dans une décision du mois de juillet, d’une manière assez surprenante, compte tenu du principe de relativité des contrats rappelé dans la décision Gilles (CE Sect., 11 juillet 2011, Req. n°339409, Rec), la Cour administrative d’appel de Nancy oppose au sous-traitant accepté, mais dont les conditions de paiement n’avaient pas été agréées, et qui souhaitait engager la responsabilité du maître de l’ouvrage, le caractère définitif du décompte général de l’entrepreneur principal.

Elle refuse aussi de faire droit à sa demande sur le fondement de l’enrichissement sans cause, l’application du contrat n’ayant pas été écartée. La Cour parait donc considérer que le contrat principal constitue le fondement des droits indemnitaires du sous-traitant, quand bien même il est habituellement retenu qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre le sous-traitant et le maître d’ouvrage et a fortiori, que cette relation contractuelle ne découle pas du marché principal, auquel le sous-traitant n’est pas partie.

CAA Nancy, 30 juin 2016, SARL AC2D, req n° 15NC01096

L’administration ne peut se prévaloir de ses propres irrégularités pour déclarer sans suite une procédure

Dans cette affaire, le pouvoir adjudicateur avait notifié aux candidats le rejet de leur offre avant d’avoir obtenu, de la part du candidat dont l’offre avait été retenue, les pièces mentionnées à l’article 46 du code des marchés publics. Or, ce dernier n’a pas produit ces pièces dans le délai fixé. Ayant considéré qu’il ne pouvait se tourner vers le candidat arrivé en deuxième position, du fait de la caducité de l’offre de ce candidat, provoquée par le courrier de rejet, le pouvoir adjudicateur a décidé de déclarer la procédure sans suite.

Le candidat arrivé en deuxième position a alors formé un recours indemnitaire contre le pouvoir adjudicateur, motivé par l’irrégularité de son éviction. Contrairement au Tribunal saisi en première instance, la Cour administrative d’appel fait droit à sa demande. Elle considère que le pouvoir adjudicateur ne pouvait se prévaloir de l’irrégularité commise de son fait pour déclarer sans suite la procédure, à défaut de motif d’intérêt général, et qu’il aurait dû solliciter la société requérante, dont l’offre ne présentait aucune non-conformité. Le pouvoir adjudicateur a donc entaché la procédure d’une irrégularité de nature à engager sa responsabilité.

CAA Nancy, 5 juillet 2016, société Hygie-Serv, Req. n° 15NC00330