Dans cette affaire, la personne publique avait résilié pour un motif d’intérêt général un marché de travaux notifié en 2012, avant de confier des prestations identiques à un autre prestataire, dans le cadre d’un nouveau marché. Le titulaire du marché résilié s’était toutefois vu sous-traiter une partie des prestations dans le cadre de ce nouveau marché. Ce second marché a, à son tour, été résilié et ce, avant que ledit titulaire ne réalise la moindre prestation.
Devant statuer sur le préjudice découlant de la première résiliation, se posait au juge la question de la prise en compte, pour évaluer le manque à gagner du requérant, du bénéfice susceptible d’être réalisé par ce dernier dans le cadre d’un hypothétique troisième marché, passé pour terminer les prestations.
Pour apprécier ce point, la Cour administrative d’appel de Paris a, d’une part inclus le bénéfice susceptible d’être réalisé grâce à l’exécution des prestations de sous-traitance.
D’autre part, elle a jugé que le préjudice de l’entreprise n’était qu’éventuel dans la mesure où il n’était pas établi que le pouvoir adjudicateur n’allait pas de nouveau lancer un marché pour les mêmes prestations, et que la requérante n’allait pas se voir confier tout ou partie de celles-ci.
Le Conseil d’Etat, saisi d’un recours en cassation, considère que, sur ce second point, la Cour a commis une erreur de droit, après avoir exposé le considérant de principe qui suit :
« Lorsque le juge est saisi d’une demande d’indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation unilatérale d’un marché public pour motif d’intérêt général, il lui appartient, pour apprécier l’existence d’un préjudice et en évaluer le montant, de tenir compte du bénéfice que le requérant a, le cas échéant, tiré de la réalisation, en qualité de titulaire ou de sous-traitant d’un nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur, de tout ou partie des prestations qui lui avaient été confiées par le marché résilié ; que, dans l’hypothèse où, à la date à laquelle le juge statue sur le litige relatif à la résiliation, il résulte de l’ensemble des circonstances particulières de l’espèce, que, alors même qu’il n’a pas exécuté de telles prestations dans les conditions mentionnées ci-dessus ou que leur exécution n’est pas en cours, le titulaire du marché résilié est susceptible d’être chargé, dans un délai raisonnable, de tout ou partie de ces prestations à l’occasion d’un nouveau marché, il appartient au juge de surseoir à statuer sur l’existence et l’évaluation du préjudice né de la résiliation ».
Il découle de ce considérant que le juge doit surseoir à statuer sur l’existence et l’évaluation du préjudice lorsque le requérant est susceptible à l’avenir (mais dans un délai raisonnable) d’être chargé de tout ou partie des prestations du marché résilié.
Reste à savoir ce qui constitue un délai raisonnable en la matière. En effet, le calcul du préjudice du titulaire d’un marché résilié ne devrait pas pouvoir être indéfiniment différé.
CE, 26 mars 2018, société Balineau, Req. n°401060, T.Rec