Les candidats peuvent se prévaloir des capacités d’autres opérateurs économiques à condition de démontrer qu’ils pourront en disposer dans le cadre de l’exécution du marché. La décision suivante montre que l’exercice de cette possibilité n’était pas sans danger sous l’empire de la directive marchés de 2004, lorsqu’après le dépôt de l’offre, l’un de ces opérateurs perdait la qualification requise pour fournir les prestations attendues.
Dans cette affaire, la société Casertana, candidat évincé d’une adjudication passée par un pouvoir adjudicateur italien avant l’entrée en vigueur de la nouvelle directive marchés, avait contesté la procédure d’attribution.
L’une des entreprises auxiliaires dont le candidat évincé avait fait valoir les capacités au soutien de son offre ayant perdu, en cours de procédure, la qualification requise, l’attributaire avait opposé à la requérante qu’elle aurait dû, de toute façon, être exclue de celle-ci.
Ce dernier moyen avait prospéré en première instance, bien que le requérant se soit défendu en soutenant que cette perte de classement, imputable à l’entreprise auxiliaire, constituait, pour lui, un cas de force majeure qui ne pouvait entraîner son exclusion automatique.
A la suite d’un recours contre le jugement, introduit par société la Casertana, le Conseil d’Etat italien a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur le point de savoir si les dispositions de la directive de 2004 sur les marchés publics devait s’interpréter à la lumière des dispositions de celle de 2014 (cette dernière prévoyant qu’en cas de motif d’exclusion opposable à l’une des entités dont le candidat se prévaut des capacités, l’opérateur, sur demande de l’acheteur, remplace cette entité), de sorte qu’une réglementation qui prévoirait une exclusion automatique du candidat après qu’il ait déposé son offre serait contraire au droit de l’Union.
Dans sa décision, la Cour répond par la négative à ces deux questions.
En premier lieu, les dispositions susmentionnées de la directive de 2014 ne visent pas à éclaircir des « concepts et notions fondamentaux afin de garantir la sécurité juridique » ni à « prendre en compte certains aspects d’une jurisprudence bien établie de la Cour » mais bien à apporter des « modifications substantielles s’agissant du droit pour un opérateur économique d’avoir recours aux capacités d’autres entités dans le cadre d’un marché public » en introduisant des conditions nouvelles.
Ces dispositions ne sont donc radicalement pas applicables à la solution du litige.
En second lieu, en vertu des principes de la commande publique, il importe que tous les soumissionnaires soient soumis aux mêmes conditions, étant également rappelé qu’en principe, les offres ne peuvent être modifiées après leur dépôt, et qu’une modification dans la composition d’un groupement d’entités ayant candidaté est susceptible d’être considérée comme une modification substantielle de l’offre.
Partant, accorder la possibilité, d’une manière imprévisible, et exclusivement à un groupement d’entreprises, de remplacer une entreprise tierce faisant partie du groupement au motif qu’elle a perdu une qualification requise, constituerait une modification substantielle de l’offre et de l’identité même du groupement. La Cour n’est pas, à cet égard, convaincue par l’argument de force majeure invoquée par la requérante : il incombe au candidat, responsable de l’équipe constituée pour répondre au marché, de supporter le risque lié à la défaillance d’un membre de cette équipe.
En conséquence de ce qui précède, la Cour considère que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une législation nationale ne prévoit pas la possibilité, pour un soumissionnaire, de remplacer une entreprise auxiliaire ne remplissant plus les conditions exigées après le dépôt de son offre, de sorte que ce soumissionnaire se trouve, par là même, automatiquement exclu de la procédure.
CJUE, 14 septembre 2017, Casertana Costruzioni, Aff. C-223/16