La pratique de prix excessifs ne prive pas de tout droit à indemnisation en cas d’annulation du marché

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Dans cette affaire, après avoir confirmé le caractère nul du marché de fourniture litigieux passé en Guadeloupe, conclu par le maire sans autorisation du conseil municipal, le Conseil d’Etat censure l’analyse de la Cour sur le terrain des dépenses utiles et de la responsabilité quasi-délictuelle de la Collectivité.

Au stade de l’appel, la Cour manifestement choquée par les prix pratiqués dans le cadre du marché annulé, avait, en quelque sorte, puni le prestataire en lui déniant tout droit indemnitaire lorsqu’elle s’était placée sur ces terrains extra-contractuels.

Le Conseil d’Etat lui renvoie l’affaire en l’appelant à faire preuve de plus d’orthodoxie juridique, les règles en la matière étant les suivantes :

« 4. Considérant que l’entrepreneur dont le contrat est écarté peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action ; que dans le cas où le contrat est écarté en raison d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée ».

S’agissant des dépenses utiles, deux circonstances avaient été mises en avant par la Cour au soutien du rejet des demandes : d’une part, la faute grave commise par la société du fait de la conclusion même du contrat et, d’autre part, la surfacturation pratiquée, qui aurait rendu des dépenses inutiles.  Néanmoins, ainsi que le relève le Conseil d’Etat, la faute du prestataire est sans incidence à ce stade du raisonnement, et les prix du marché sont écartés par l’effet même de l’annulation. Ce n’est donc pas leur niveau qui doit permettre de caractériser l’utilité ou non des dépenses concernées.

S’agissant de la responsabilité quasi-délictuelle, le Conseil d’Etat reproche à la Cour une inexacte qualification des faits, les faits exposés étant les suivants :  la société s’est prêtée volontairement à la conclusion d’un contrat dont elle ne pouvait, compte tenu de son expérience, ignorer l’illégalité, et cette circonstance serait la cause directe – voire exclusive puisque la Commune est exonérée de toute responsabilité – de son préjudice.

CE, 9 juin 2017, société Pointe-à-Pitre Distribution, n°399581