Dans cette affaire, « l’Agence pour les affaires rurales » de la Finlande a lancé, en 2014, une procédure d’appel d’offres en vue de la conclusion de contrats portant sur des services de conseil agricole, s’inscrivant dans un programme de développement de la zone rurale de la Finlande continentale. La prestation de services était soumise aux conditions fixées dans un projet d’accord-cadre annexé à l’appel d’offres.
Afin de sélectionner les prestataires de services, l’entité publique a imposé aux candidats de démontrer qu’ils étaient qualifiés, régulièrement formés et expérimentés en qualité de conseillers dans les domaines dans lesquels ils entendaient fournir des conseils.
La procédure de sélection des candidats s’est déroulée en deux temps : dans un premier temps, l’entité publique retenait à titre conditionnel tous les candidats qui répondaient aux critères d’aptitude et aux exigences minimales requis dans l’appel d’offres et ses annexes, puis dans un second temps, ces candidats devaient passer un examen à l’issue duquel l’acheteur sélectionnait définitivement les candidats ayant réussi cet examen.
En l’espèce, la requérante est une candidate qui a été évincée dès la première étape de la sélection au motif qu’elle n’avait pas indiqué si elle acceptait les modalités du projet d’accord-cadre annexé à l’appel d’offres en cochant la case « oui » ou « non » du formulaire de l’appel d’offres. La candidate n’a pas été admise à régulariser son offre. Dès lors, celle-ci a contesté la procédure de passation devant le tribunal afin d’obtenir ce droit. Elle soutenait que l’appel d’offres en cause constituait, non pas un marché public de service, mais un régime d’agrément des conseillers agricoles ce qui l’autorisait à compléter son offre.
Le litige est parvenu devant la Cour administrative suprême de Finlande qui a introduit une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) afin que celle-ci interprète les dispositions de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 pour déterminer s’il y a eu lieu « de qualifier de marché public, au sens de cette directive, un système de conseil agricole […] par lequel une entité publique retient tous les opérateurs économiques, dès lors qu’ils remplissent les exigences d’aptitude posées par un appel d’offres et qu’ils ont réussi l’examen mentionné dans ledit appel d’offres, et qui n’admet aucun nouvel opérateur pendant la durée de validité limitée de ce système » (§26).
Après avoir relevé que le contrat en cause remplissait, à première vue, les critères de qualification d’un marché public prévus par la directive (caractère onéreux, conclu entre un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique, ayant pour objet la fourniture d’un service), la Cour constate cependant que l’entité publique « ne procède à aucune sélection parmi les offres recevables » et « se borne à veiller au respect de critères qualitatifs » prévus par l’appel d’offres pour retenir les candidats.
En effet, en l’espèce l’Agence n’a, en réalité, établi aucun critère de sélection visant à comparer et classer les offres recevables des candidats. Or, l’existence de tels critères relève directement de l’encadrement des marchés publics qui, en vertu de la jurisprudence « Falk Pharma » de la Cour (CJUE, 2 juin 2016, Falk Pharma, C-410/14), fait partie intégrante de la notion même de marché public au sens de la directive précitée.
Dès lors, en l’absence de véritables critères d’attribution permettant d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, les conditions de l’appel d’offres ayant uniquement vocation à apprécier l’aptitude professionnelle des candidats à exécuter le marché, le système de conseil agricole en cause ne saurait être qualifié de marché public au sens de la directive.
CJUE, 1er mars 2018, aff C 9/17