Le Conseil d’Etat a jugé qu’un acheteur public n’a pas à transmettre à son comptable assignataire la notification de la cession de créance, qui lui a été notifiée à tort par l’établissement de crédit cessionnaire, dès lors que cette notification n’est pas constitutive d’une « demande » adressée à une autorité administrative incompétente.
Dans cette affaire, la société Cobatra avait cédé à une société bancaire les créances qu’elle détenait sur le CROUS de Nice-Toulon au titre de sa qualité de sous-traitant d’un lot dans le cadre de l’exécution d’un marché public de travaux.
La banque avait, alors, notifié ces cessions de créances par L.R.A.R au CROUS, mais sans les notifier au comptable assignataire de l’établissement, en méconnaissance des dispositions relatives aux cessions de créance professionnelle, également applicables aux créances détenues sur des personnes publiques, qui prévoient, notamment, que lorsque la créance est cédée au titre d’un marché public, la notification doit être faite entre les mains du comptable assignataire désigné dans les documents contractuels (article R. 313-17 du code monétaire et financier et article 108 du code des marchés publics alors en vigueur).
Par la suite, lorsque la banque avait souhaité obtenir le paiement d’une des créances, le CROUS avait refusé au motif que celui-ci s’estimait déjà valablement libéré de sa dette par le paiement de celle-ci effectué directement auprès de la société Cobatra.
C’est pourquoi, la banque avait saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de la décision par laquelle le CROUS avait refusé de lui payer la somme qu’elle estimait due au titre de la cession de créance notifiée.
Saisi de cette question, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions relatives aux cessions de créance imposent « un régime particulier de notification, y compris lorsque celle-ci est accomplie auprès d’une autorité administrative ». Toutefois, cette notification « ne tend pas à la prise d’une décision […] mais constitue une information » de la personne publique, c’est pourquoi elle ne peut pas être comprise comme une « demande » au sens des articles 18 et 20 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 selon lesquels « lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l’autorité administrative compétente et en avise l’intéressé » (aujourd’hui repris aux articles L.110-1 et L.114-2 du code des relations entre le public et l’administration).
Par conséquent, la Haute assemblée a pu juger que la banque, pour palier sa négligence lors de la notification de la cession de créance, ne pouvait utilement se prévaloir d’une faute du CROUS en ce qu’il n’avait pas transmis la notification de l’opération à son comptable assignataire.
Ainsi, le CROUS pouvait légitimement se prévaloir de l’irrégularité de la notification et n’aura pas à payer au cessionnaire le montant de la créance qu’il a déjà versé au créancier cédant (voir dans le même sens au judiciaire Cass, Com., 3 octobre 2006, n°04-30.820).
CE, 7e – 2e ch. réunies, 9 mars 2018, n°407842