Pas de transfert de risque, pas de concession

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La Commune de Saint-Benoît, à la Réunion, avait vu son contrat de gestion du service de restauration scolaire annulé. Estimant se trouver en situation d’urgence impérieuse, elle avait conclu un contrat dénommé « concession provisoire de service public pour la gestion du service de restauration municipale » d’une durée de 14 mois avec une entreprise, qu’un concurrent avait attaqué dans le cadre d’un référé contractuel.

Son recours n’ayant pas abouti en première instance, ce candidat avait saisi le Conseil d’Etat d’un recours en cassation, qui, celui-ci, allait prospérer.

Pour trancher cette affaire, le Conseil d’Etat devait tout d’abord qualifier le contrat : s’agissait-il d’un marché public ou d’une concession ? La réponse à cette question supposait de vérifier si le risque de l’exploitation avait, ou non, été transféré au prétendu concessionnaire. Pour cela, le juge analyse la rémunération du cocontractant : celui-ci, en plus du prix du repas payé par les usagers, perçoit une subvention et un complément de prix unitaire par repas servi, ces deux versements correspondant à 86 % de la rémunération du prestataire.

Le risque, dans cette configuration, portait sur la différence entre repas commandés et repas servis, sur la variation de la fréquentation des cantines et sur les impayés. Or, a estimé le Conseil d’Etat, les deux premiers éléments étaient peu susceptibles de variation, notamment au regard de la durée limitée du contrat, et aucune donnée ne permettait d’apprécier la portée du troisième risque identifié. Au total, la Haute juridiction déduit de ces éléments que le risque d’exploitation n’a pas été transféré au cocontractant faute de réelle exposition aux aléas du marché.

C’est donc au regard des règles applicables aux marchés publics, et non aux concessions, que le Conseil d’Etat a apprécié si le contrat pouvait être conclu sans publicité ni mise en concurrence, et la réponse a été négative. Deux éléments sont mis en exergue pour souligner l’absence d’urgence impérieuse :

  • L’absence d’initiative prise par le pouvoir adjudicateur en vue de lancer une nouvelle procédure, celui-ci s’étant contenté de signer la convention litigieuse ;
  • La durée de celle-ci, qui excède ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation d’urgence.

Quelle aurait alors été la durée adéquate ? Quatre mois, manifestement, puisque c’est le délai au terme duquel la convention est annulée, pour tenir compte de la nécessité de préserver la continuité du service de la restauration municipale.

CE, 24 mai 2017, société Régal des Iles, n°407213, T.Rec