Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision très intéressante en matière de concession, fondée sur les nouvelles dispositions de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016.
Les faits à l’origine de cette affaire concernent des difficultés d’exécution d’une convention d’exploitation d’un terminal portuaire, passée par le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB). La médiation mise en œuvre par les parties pour régler ces difficultés ayant échoué, le GPMB a décidé, le 21 septembre 2016, de conclure, sans publicité ni mise en concurrence, une « convention de mise en régie de la convention d’exploitation du terminal du Verdon » avec une entreprise tierce.
La société Sea Invest Bordeaux, en sa qualité de personne qui aurait eu un intérêt à conclure elle-même ce contrat, a introduit un référé contractuel contre cette convention.
La recevabilité de son recours supposait de faire admettre que le contrat entrait bien dans le champ d’application des référés précontractuels et contractuels. Le Tribunal saisi en première instance avait considéré que c’était le cas, en se fondant sur les dispositions de l’article R. 5312-84 du code des transports, qui organise une procédure de passation des contrats de terminaux. Le Conseil d’Etat commence par casser cette décision pour erreur de droit. S’il admet à son tour la recevabilité du recours, il ne le fait qu’après avoir considéré que le contrat litigieux devait être qualifié de concession de service.
Mais ce n’est pas là l’intérêt principal de cette décision.
Il a été mentionné précédemment que le contrat attaqué n’avait pas été, bien qu’il entre dans le champ d’application de la réglementation régissant les concessions, précédé des mesures de publicité et de mise en concurrence que prévoit cette réglementation.
Le Conseil d’Etat rejette pourtant le pourvoi de la société Sea Invest Bordeaux, après avoir posé, dans un considérant de principe :
« qu’en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de services sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de services ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».
Une autorité concédante peut donc régulièrement attribuer une concession provisoire sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence à trois conditions.
- L’urgence ;
- La deuxième condition tient au motif de cette conclusion : il doit s’agir d’un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service ;
- La troisième condition concerne la durée de ce contrat. Cette durée sera variable suivant le mode de gestion que l’autorité délégante entend adopter. Dans le cas où la collectivité entend conclure une nouvelle concession à la suite du contrat provisoire, ce sera la durée nécessaire pour mettre en œuvre la procédure de publicité et de mise en concurrence qui conditionnera celle de ce contrat provisoire. Dans le cas d’une reprise en régie, le délai nécessaire pour cette reprise définira celle du contrat conclu.
En l’occurrence, le Conseil d’Etat a considéré que ces trois conditions étaient remplies : tant la défaillance du cocontractant du Grand Port que l’échec de la médiation ont rendu impossible l’exploitation du terminal. La condition liée à l’urgence était donc satisfaite. Le Conseil d’Etat, après une analyse concrète de la situation, en vient à considérer également que la continuité du service public était effectivement compromise par l’absence d’exploitation du terminal concerné. Enfin, le contrat a bien un caractère temporaire, puisqu’il prendra fin avec la désignation d’un nouveau concessionnaire, désignation qui doit intervenir au plus tard dans un délai de dix-huit mois.
CE, 14 février 2017, SMPA, n°405157, Rec.