Dans cette affaire, rendue sous l’empire de la directive 2014/24/UE (c’est-à-dire l’ancienne directive « marchés publics »), un soumissionnaire évincé reprochait au pouvoir adjudicateur slovaque d’avoir rejeté son offre au motif qu’il ne remplissait pas les exigences en matière de capacité économique et financière fixées dans l’avis de marché.
Dans le cadre de la passation d’un marché public de travaux, le pouvoir adjudicateur slovaque exigeait des soumissionnaires, comme référence, une attestation d’un établissement bancaire mentionnant qu’il leur serait consenti l’obtention d’un prêt d’une valeur minimale de 3 000 000 euros pendant toute la durée d’exécution du marché.
Le soumissionnaire évincé, n’ayant pas pu obtenir une telle déclaration, a présenté une attestation d’un établissement bancaire contenant des informations sur l’ouverture d’un crédit en compte courant à concurrence d’un montant supérieur à 5 000 000 euros, assortie d’une attestation sur l’honneur certifiant que, dans l’hypothèse où son offre serait sélectionnée, son compte courant serait crédité d’une somme de 3 000 000 euros au minimum.
Le pouvoir adjudicateur n’ayant pas retenu son offre au motif qu’il ne remplissait pas les exigences en matière de capacité économique et financière, le soumissionnaire évincé a saisi les juridictions internes en invoquant une « impossibilité objective » de satisfaire autrement aux exigences fixées dans l’avis de marché.
Pour régler ce litige, plusieurs questions se posaient quant à l’interprétation qu’il convenait de donner à la directive « marchés publics », ce qui a donné lieu à la saisine de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE).
Dans le premier temps de son raisonnement, la Cour a considéré que le pouvoir adjudicateur pouvait légalement évincer un soumissionnaire qui ne respecterait pas les conditions fixées dans l’avis de marché visant à justifier de « l’obtention d’un prêt affecté à l’exécution du marché » dès lors que cette exigence permet de renseigner sur la capacité économique du soumissionnaire à mener à bien l’exécution du marché.
Dans un second temps, elle a estimé que la circonstance que les établissements bancaires sollicités par le soumissionnaire ne soient pas en mesure de lui délivrer une telle attestation peut constituer une « raison justifiée » autorisant ledit soumissionnaire à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur à la condition qu’il ait été dans « l’impossibilité objective » de produire les références demandées, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
En d’autres termes, le pouvoir adjudicateur peut formuler une telle exigence dans l’avis de marché et refuser l’offre d’un opérateur économique qui ne la respecterait pas, à moins que celui-ci ne parvienne à démontrer une « impossibilité objective » d’y satisfaire.
CJUE, 13 juillet 2017, Ingsteel spol. s r. o., Metrostav a.s., affaire n° C-76/16