La question de la concurrence exercée par le médiateur des entreprises ne se pose pas

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Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur la légalité de diverses dispositions du décret n°3016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Nous savons qu’il a confirmé le seuil de 25.000 € prévu dans cette réglementation. Mais ce n’est pas tout. Il a également annulé, au sein de l’article 142 de ce décret, l’effet interruptif donné à la saisine du médiateur des entreprises à l’égard des délais de prescription.

Cette annulation est motivée par une question de compétence : aux termes de l’article 34 de la Constitution, seul le législateur est compétent pour déterminer les principes fondamentaux applicables aux obligations civiles. La disposition annulée, qui institue un « régime de prescription pour l’action en paiement d’une créance » ne pouvait donc être prise par la voie décrétale.

La décision du Conseil d’Etat ne mentionne que les délais de prescription. Les délais de recours, également concernés par cet effet interruptif, ne paraissent, par conséquent, pas touchés par l’annulation. De toute façon, cet effet interruptif ressort par ailleurs des dispositions de l’article L. 213-6 du code de justice administrative, introduites par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Cette même loi donne aux médiations un effet suspensif – et non interruptif –  des délais de prescription, comme le code civil, ce, depuis 2008 déjà.

A noter : le Conseil d’Etat a été limité, dans sa prise de décision, par l’interdiction de statuer ultra petita. Toutefois, l’effet interruptif de prescription donné à la saisine des comités consultatifs de règlement amiable par l’article partiellement annulé est tout aussi illégal. Il est donc déconseillé aux contractants de s’appuyer sur cet effet lorsqu’ils font leurs calculs de délais.

Enfin, et c’est l’un des aspects de la décision qui justifie sa mention aux Tables, la Haute juridiction se prononce, à cette occasion, sur l’institution même du Médiateur des entreprises, au regard, notamment, des principes généraux applicables en matière d’intervention économique des personnes publiques, et plus particulièrement des règles limitant les possibilités d’une telle intervention sur un marché.

Après avoir rappelé les conditions applicables en la matière – soit la justification de l’intervention par un intérêt public et l’absence de mise en cause du libre jeu de la concurrence – le Conseil d’Etat considère que le médiateur des entreprises, au vu de ses attributions, n’intervient pas sur un marché compte tenu des éléments suivants :

  • l’institution du médiateur des entreprises s’inscrit dans la mise en œuvre de la mission d’intérêt général de développement des modes alternatifs de litiges, qui est elle-même le « corolaire d’une bonne administration de la justice » ;
  • il n’a pas de monopole. En effet, bien que l’article 142 du décret n’envisage que la saisine du médiateur des entreprises, les parties à un marché public peuvent parfaitement choisir de recourir au médiateur de leur choix, et s’accorder sur le fait que cette saisine interrompt les délais de recours.

CE, 17 mars 2017, M. Perez, ordre des avocats de Paris, n°403768, 403817, T.Rec