Dans cette affaire, la société requérante avait vu son offre rejetée pour irrégularité de sa signature électronique. Elle avait alors saisi du juge des référés précontractuels. Le tribunal avait envoyé la requête au pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire au ministère de la défense, par Télérecours, en la mettant à disposition de ce dernier, sur cette application, dès le début d’après-midi. Le pouvoir adjudicateur a néanmoins signé le contrat quelques heures plus tard. La requérante a modifié, en conséquence, ses conclusions, en les fondant sur les dispositions applicables aux référés contractuels.
CE, 17 octobre 2016, Ministre de la défense, req. n° 400791, T.Rec
Le Conseil d’Etat considère, et c’est là l’apport de cette décision, que le Tribunal, en mettant la requête sur Télérecours, avait bien informé le pouvoir adjudicateur du dépôt de cette requête, ce qui obligeait ce dernier à suspendre la signature du contrat (CE 1er mars 2012, OPAC du Rhône, req. n° 355560), de sorte que les conditions du cas d’ouverture du 3ème alinéa de l’article L. 551-18 étaient réunies puisque la méconnaissance de cette obligation avait incontestablement privé la requérante de son droit d’exercer un recours en référé précontractuel. Quant à l’existence d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ayant affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat, le juge des référés de première instance, puis le Conseil d’Etat ont relevé que le pouvoir adjudicateur avait été incapable de préciser les raisons techniques pour lesquelles la validité de la signature électronique n’avait pu être vérifiée, que cette signature respectait la procédure prévue dans l’arrêté du 15 juin 2012 et dans le règlement de la consultation et, enfin, qu’il ne ressortait pas de l’instruction que la difficulté rencontrée proviendrait d’une erreur commise par la société requérante.
Le Conseil d’Etat ajoute que le Ministre ne peut se prévaloir d’éléments nouveaux au débat dans le cadre de l’instance en cassation sur ce point.
Sans se pencher véritablement sur la condition tenant aux chances sérieuses d’obtenir le marché, le Conseil d’Etat s’intéresse alors à la sanction qu’il convient d’infliger au pouvoir adjudicateur, au vu des dispositions des articles L. 551-19 et L. 551-20 du code de justice administrative, et plus particulièrement des secondes.
Il convient de rappeler préalablement qu’aux termes du premier de ces articles, dans les cas prévus à l’article L. 551-18, le juge annule en principe le contrat, sauf si une raison impérieuse d’intérêt général justifie que le marché soit uniquement résilié, ou que sa durée soit réduite, ou encore qu’une pénalité financière soit imposée. Aux termes du second de ces articles, il est indiqué qu’en cas de signature prématurée du contrat, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière.
Dans la décision commentée, la haute juridiction s’intéresse à la combinaison de ces dispositions. Il en ressort que si l’unique manquement du pouvoir adjudicateur tient à cette signature anticipée, le juge fait application des dispositions de l’article L. 551-20.
Le Conseil d’Etat avait précisé, dans une décision du 15 février 2013, que dans ce cas, le juge peut prendre en compte « notamment, la nature et l’ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l’auteur du recours ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur » (CE, 15 février 2013, société SFR, Req. n° 363854, T.Rec).
En revanche, si un autre manquement affectant les chances de la société d’obtenir le contrat est relevé, ce qui est le cas en l’espèce, alors le juge n’a pas commis une erreur de droit « en ne faisant pas usage de son pouvoir de modulation de la sanction prévu par les dispositions de l’article L. 551-20 du même code ».