Dans cette affaire, un sous-traitant, la société Solotrat, avait obtenu de la part de juridictions commerciales, saisies en premier lieu en 2008, la condamnation de l’entrepreneur principal, la société Levaux, à lui verser une somme de 425.000 € au titre de l’exécution d’un marché de travaux passé par le département du Val-de-Marne.
Cet entrepreneur principal ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, ledit sous-traitant a tenté, en 2016, de récupérer le montant de sa créance auprès du maître de l’ouvrage public, en application de son droit au paiement direct. Pour ce faire, il a saisi le juge des référés provision administratif, qui a fait droit à sa demande en première instance. L’ordonnance a été annulée en appel pour cause de prescription de la créance du sous-traitant, à défaut de mise en cause de la moindre collectivité publique devant les juridictions commerciales, seul acte interruptif de prescription dont la société Solotrat s’est vraisemblablement prévalue.
Cette dernière s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat contre cette dernière ordonnance, en arguant d’une erreur de droit commise par le juge des référés, erreur dont nous pouvons supposer qu’elle tient à une méconnaissance des termes de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968, en vertu desquelles :
« La prescription est interrompue par ; / (…) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ; / (…) »
La question de droit posée au Conseil d’Etat concernait donc la dernière proposition de cet extrait de l’article 2 : l’interruption est-elle acquise indépendamment des parties à l’instance portant sur la créance litigieuse, ou bien faut-il qu’une personne publique soit partie à cette instance, même s’il ne s’agit pas de la personne qui aura finalement la charge finale du règlement ?
La réponse à cette question est la même que celle qu’avait apportée le Conseil d’Etat dans sa décision du 24 juin 1977 n°96584 et 01403, publiée au Recueil : l’interruption est subordonnée à la mise en cause d’une collectivité publique. Le recours exercé contre le seul entrepreneur principal n’est donc pas susceptible d’avoir un tel effet, contrairement, pour mémoire, à une plainte contre X avec constitution de partie civile (CE Sect, 27 octobre 2006, département du Morbihan, n°246931, Rec).
Partant, le pourvoi est rejeté.
CE, 10 mars 2017, société Solotrat, n°404841, T.Rec