Brèves de la catégorie : Marchés publics de travaux

Obligation de vigilance du maître d’ouvrage au moment de la réception

Dans cette affaire, malgré une expertise en cours concernant la présence de fissures dans les voiles en béton de l’ouvrage, le maître d’œuvre a proposé de réceptionner l’ouvrage sans réserve, et le maître d’ouvrage n’a pas dit autre chose dans sa décision de réception.

La responsabilité de l’entrepreneur ne pouvant plus être recherchée, le maître de l’ouvrage (MOA) a tenté d’engager celle du maître d’œuvre, au titre de son devoir de conseil, celui-ci n’ayant pas attiré son attention sur les précautions à prendre, compte tenu de cette expertise, au moment de la réception.

La Cour administrative d’appel admet que le maître d’œuvre a commis une faute, mais elle considère également que celles commises par le maître de l’ouvrage exonèrent le maître d’œuvre de toute responsabilité. Pour prendre cette décision, la Cour se fonde sur plusieurs circonstances : d’une part, le maître d’ouvrage était assisté d’un maître d’ouvrage délégué spécialisé dans le domaine de la construction, d’autre part, il a déclaré un sinistre portant sur ces désordres à son assureur et, enfin, il est à l’origine de la mesure d’expertise judiciaire. Il connaissait donc parfaitement l’existence des désordres litigieux lorsqu’il a décidé de réceptionner l’ouvrage sans réserve.

CAA Marseille, 3 octobre 2016 SMABTP, Req. n° 14MA05228

Sous-traitants, attention au décompte général de l’entrepreneur principal !

Dans une décision du mois de juillet, d’une manière assez surprenante, compte tenu du principe de relativité des contrats rappelé dans la décision Gilles (CE Sect., 11 juillet 2011, Req. n°339409, Rec), la Cour administrative d’appel de Nancy oppose au sous-traitant accepté, mais dont les conditions de paiement n’avaient pas été agréées, et qui souhaitait engager la responsabilité du maître de l’ouvrage, le caractère définitif du décompte général de l’entrepreneur principal.

Elle refuse aussi de faire droit à sa demande sur le fondement de l’enrichissement sans cause, l’application du contrat n’ayant pas été écartée. La Cour parait donc considérer que le contrat principal constitue le fondement des droits indemnitaires du sous-traitant, quand bien même il est habituellement retenu qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre le sous-traitant et le maître d’ouvrage et a fortiori, que cette relation contractuelle ne découle pas du marché principal, auquel le sous-traitant n’est pas partie.

CAA Nancy, 30 juin 2016, SARL AC2D, req n° 15NC01096

Le caractère complet de la mission confiée au maître d’œuvre ne suffit pas à caractériser une faute de ce dernier en cas de désordres

En matière de responsabilité contractuelle, contrairement à la responsabilité décennale, il convient de caractériser une faute pour engager la responsabilité des constructeurs. Une décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en offre l’illustration.

Des désordres – tenant à des infiltrations passant par la toiture-terrasse végétalisée  – avaient donné lieu à des réserves à la réception. Une expertise a révélé que ces désordres, dus à des déchirures de la chape étanche, étaient imputables à la non-conformité de la terre végétale mise en œuvre et / ou à des fautes commises lors de son déversement. Le maître de l’ouvrage a alors tenté d’engager également la responsabilité du maître d’œuvre au titre de sa mission DET, l’expert ayant retenu une responsabilité secondaire de ce dernier, motivée par le caractère complet de la mission de maîtrise d’œuvre confiée.

La Cour ne suit pas les conclusions de l’expert sur ce point : elle considère qu’il ne ressort pas de l’instruction que le maître d’œuvre n’aurait pas normalement accompli sa mission, celle-ci n’impliquant pas, notamment, que celui-ci soit présent en permanence sur les lieux. Elle retient également le fait que le maître d’œuvre avait attiré l’attention de l’entrepreneur sur le problème d’étanchéité présenté par l’ouvrage.

CAA Bordeaux, 12 juillet 2016, société Hélène et fils, req. n° 14BX03488

Indices démontrant qu’un ouvrage est réceptionné

Dans cette affaire, étaient en cause des dommages de travaux publics, pour lesquels la responsabilité d’une commune avait été utilement recherchée par un tiers. Celle-ci cherchait à faire supporter la charge finale de la condamnation sur l’un des constructeurs auquel elle était liée par contrat. Pour écarter cet appel en garantie, la Cour considère que les travaux ont été réceptionnés, ce qui interdit au maître de l’ouvrage d’invoquer la responsabilité contractuelle de ce constructeur. Cette solution est classique, toutefois son intérêt réside dans les indices pris en compte pour considérer que la réception était acquise : un certificat de capacité du maître d’œuvre attestant que les travaux litigieux  » ont été exécutés à l’entière satisfaction de [ses] services  » et la mainlevée de la caution bancaire donnée par la Commune.

CAA Versailles, 19 juillet 2016, cne de Verrières-le-Buisson, Req. n° 14VE02832

Pas d’action contractuelle des constructeurs contre le maître d’ouvrage délégué

La Cour administrative d’appel de Paris avait estimé que l’action exercée par un entrepreneur contre un maître d’ouvrage délégué ne pouvait avoir pour fondement que le marché liant cet entrepreneur au maître de l’ouvrage. Le Conseil d’Etat, saisi dans le cadre d’un recours en cassation, considère que la décision de la Cour est entachée d’une erreur de droit.

Selon la Haute juridiction, il résulte des dispositions de la loi MOP que les entrepreneurs doivent se tourner vers le maître d’ouvrage pour obtenir réparation des fautes commises par son mandataire dans l’exercice de ses missions, quand bien même ce dernier serait le signataire des marchés. En effet, agissant au nom et pour le compte du maître d’ouvrage, le mandataire n’est pas partie auxdits marchés. Le Conseil d’Etat ajoute que le maître d’ouvrage condamné à raison de fautes commises par le maître d’ouvrage délégué, peut appeler celui-ci en garantie sur le fondement du contrat de mandat, et qu’il n’est pas pour autant interdit aux entrepreneurs d’agir contre le maître d’ouvrage délégué, mais sur un fondement quasi-délictuel, et à condition de s’appuyer sur des fautes commises en dehors du mandat.

CE, 26 septembre 2016, société Dumez Ile-de-France, Req. n° 390515, T.Rec.