Les brèves à la une

Le caractère complet de la mission confiée au maître d’œuvre ne suffit pas à caractériser une faute de ce dernier en cas de désordres

En matière de responsabilité contractuelle, contrairement à la responsabilité décennale, il convient de caractériser une faute pour engager la responsabilité des constructeurs. Une décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en offre l’illustration.

Des désordres – tenant à des infiltrations passant par la toiture-terrasse végétalisée  – avaient donné lieu à des réserves à la réception. Une expertise a révélé que ces désordres, dus à des déchirures de la chape étanche, étaient imputables à la non-conformité de la terre végétale mise en œuvre et / ou à des fautes commises lors de son déversement. Le maître de l’ouvrage a alors tenté d’engager également la responsabilité du maître d’œuvre au titre de sa mission DET, l’expert ayant retenu une responsabilité secondaire de ce dernier, motivée par le caractère complet de la mission de maîtrise d’œuvre confiée.

La Cour ne suit pas les conclusions de l’expert sur ce point : elle considère qu’il ne ressort pas de l’instruction que le maître d’œuvre n’aurait pas normalement accompli sa mission, celle-ci n’impliquant pas, notamment, que celui-ci soit présent en permanence sur les lieux. Elle retient également le fait que le maître d’œuvre avait attiré l’attention de l’entrepreneur sur le problème d’étanchéité présenté par l’ouvrage.

CAA Bordeaux, 12 juillet 2016, société Hélène et fils, req. n° 14BX03488

Limites à la détermination du périmètre d’une délégation de service public

Dans cette affaire, après avoir rappelé qu’aucune disposition, ni aucun principe, n’impose de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts, le Conseil d’Etat précise néanmoins que la liberté de l’autorité délégante à ce titre n’est pas sans limites : le périmètre ne doit pas être manifestement excessif et les services faisant l’objet de la délégation ne doivent pas, de manière manifeste, présenter aucun lien entre eux. Le contrôle du juge sur cette question est donc restreint.

En l’occurrence, le service délégué portait sur « l’exploitation des services de la mobilité » incluant à la fois les services de transport urbain, de stationnement et de mise en fourrière. Le Conseil d’Etat considère qu’ils présentent entre eux un lien suffisant et que l’autorité délégante pouvait, pour assurer une coordination efficace entre ces services, qui s’adressent pour une part significative aux mêmes usagers, les confier à un délégataire unique.

CE, 21 septembre 2016, communauté urbaine du Grand Dijon, Req. n° 399656, T.Rec

Indices démontrant qu’un ouvrage est réceptionné

Dans cette affaire, étaient en cause des dommages de travaux publics, pour lesquels la responsabilité d’une commune avait été utilement recherchée par un tiers. Celle-ci cherchait à faire supporter la charge finale de la condamnation sur l’un des constructeurs auquel elle était liée par contrat. Pour écarter cet appel en garantie, la Cour considère que les travaux ont été réceptionnés, ce qui interdit au maître de l’ouvrage d’invoquer la responsabilité contractuelle de ce constructeur. Cette solution est classique, toutefois son intérêt réside dans les indices pris en compte pour considérer que la réception était acquise : un certificat de capacité du maître d’œuvre attestant que les travaux litigieux  » ont été exécutés à l’entière satisfaction de [ses] services  » et la mainlevée de la caution bancaire donnée par la Commune.

CAA Versailles, 19 juillet 2016, cne de Verrières-le-Buisson, Req. n° 14VE02832

Pas d’action contractuelle des constructeurs contre le maître d’ouvrage délégué

La Cour administrative d’appel de Paris avait estimé que l’action exercée par un entrepreneur contre un maître d’ouvrage délégué ne pouvait avoir pour fondement que le marché liant cet entrepreneur au maître de l’ouvrage. Le Conseil d’Etat, saisi dans le cadre d’un recours en cassation, considère que la décision de la Cour est entachée d’une erreur de droit.

Selon la Haute juridiction, il résulte des dispositions de la loi MOP que les entrepreneurs doivent se tourner vers le maître d’ouvrage pour obtenir réparation des fautes commises par son mandataire dans l’exercice de ses missions, quand bien même ce dernier serait le signataire des marchés. En effet, agissant au nom et pour le compte du maître d’ouvrage, le mandataire n’est pas partie auxdits marchés. Le Conseil d’Etat ajoute que le maître d’ouvrage condamné à raison de fautes commises par le maître d’ouvrage délégué, peut appeler celui-ci en garantie sur le fondement du contrat de mandat, et qu’il n’est pas pour autant interdit aux entrepreneurs d’agir contre le maître d’ouvrage délégué, mais sur un fondement quasi-délictuel, et à condition de s’appuyer sur des fautes commises en dehors du mandat.

CE, 26 septembre 2016, société Dumez Ile-de-France, Req. n° 390515, T.Rec.

Les capacités d’un candidat ne s’apprécient qu’au vu des renseignements sollicités dans le règlement de la consultation

Dans cette affaire, le requérant doutait des capacités professionnelles de l’attributaire (notamment de la réalité des effectifs de celui-ci, le soupçonnant, à la lecture de ses liasses fiscales, de recourir massivement voire exclusivement à la sous-traitance). Dans le règlement de la consultation, le pouvoir adjudicateur avait exigé la production de certaines pièces, issues de la liste figurant dans l’arrêté du 28 août 2006, pour vérifier les capacités des candidats.

En défense, ledit pouvoir adjudicateur a fait valoir, et démontré, que ces pièces avaient bien été produites par l’attributaire, et qu’elles révélaient des capacités suffisantes pour exécuter le marché à bons de commande, qui ne comportait un maximum annuel que de 150.000 €. Le juge des référés a suivi son argumentation et rejeté la requête.

En complément, il est utile de préciser que le requérant était passé, en cours d’instance, d’un référé précontractuel à un référé contractuel. En effet, la collectivité avait signé le marché malgré l’introduction du recours, qui, s’il lui avait été dûment notifié par le Tribunal, n’avait pas été porté à la connaissance des services compétents. Le juge considère que dans ces circonstances,  le référé contractuel est, bien évidement, recevable.

TA de Paris, 4 novembre 2016, ISM Interprétariat, Req. n° 1616873/4-2